Sécurité incendie des façades en bois
L’incendie de la « Grenfell Tower » survenu le 14 juin 2017 dans le quartier de Kensington, à Londres, a sans conteste marqué les esprits. L’incendie s’est déclaré à l’un des étages inférieurs de la Tour et s'est rapidement propagé à tous les étages supérieurs. Tout le bâtiment s’est alors rapidement transformé en un énorme brasier. A la suite de ce désastreux incident, on a recensé 72 morts et 77 blessés.
Le nombre élevé des victimes et la rapidité avec laquelle le feu s'est propagé ont incité l'ensemble des acteurs concernés, en Europe et ailleurs, à procéder à une évaluation approfondie de l'arsenal réglementaire en matière d'incendie. Bien que la rapidité avec laquelle le feu s'est propagé ne puisse être attribuée qu’à un seul facteur, l’enquête sur l’incendie de la « Grenfell Tower » a démontré que le système de façade du bâtiment avait joué un rôle important dans la propagation verticale fulgurante de l’incendie.
Depuis lors, en Belgique, la réglementation actuelle et son application au cours de la phase de conception et d’exécution ont été réexaminées de près par divers organismes techniques.
Il va sans dire qu’une attention particulière doit être accordée aux normes relatives à la sécurité incendie lors des phases de conception et d’exécution d’une façade en bois.
Cadre legal
La règlementation européenne des produits de construction énonce une série d’exigences fondamentales auxquelles doivent répondre les ouvrages de construction dans leur ensemble. L’une d’entre elles concerne la sécurité en cas d’incendie dans les ouvrages de construction. Cette règlementation européenne ne donne qu’un cadre légal général en la matière sans fixer les règles de construction des bâtiments. Les dispositions mettant en œuvre les exigences fondamentales sont du ressort des Etats membres, qui peuvent décider d’intégrer ou non des mesures d’application dans leur législation nationale.
En Belgique, les exigences minimales en matière de prévention contre l’incendie et l’explosion auxquelles doivent répondre tous les nouveaux bâtiments figurent dans l’Arrêté Royal du 7 juillet 1994 (et ses modifications). Cet AR ne constitue donc pas une norme technique ou une directive, mais bien une disposition légale.
Outre ces dispositions légales, les Régions et les Communautés sont compétentes pour édicter des arrêtés complétant les normes de base, en vue de prendre en considération le caractère spécifique de certains bâtiments.
Les normes techniques , les Spécifications Techniques (STS), les Prescriptions Techniques (PT) et les textes règlementaires viennent compléter les normes belges et européennes. Les normes techniques, le STS et les PT ne sont pas obligatoires à moins que l’auteur de projet y fasse référence dans les documents contractuels. Ces documents visent à aider le donneur d’ordre ou le concepteur à rédiger un cahier des charges pour un projet particulier. Cependant, l’application et l’exécution du cahier des charges impliquent une certaine qualité technique. Il est donc recommandé de mettre en œuvre ces normes et directives techniques tant lors de la conception que de l’exécution de l’ouvrage.
Champ d’application de l’arrêté royal fixant les normes de base
Les exigences minimales se trouvant dans l’Arrêté Royal et fixant les normes de base en matière de prévention contre l’incendie et l’explosion s’appliquent à tous les nouveaux bâtiments à construire en ce compris les nouvelles extensions aux bâtiments existants (les normes ne s’appliqueront qu’à la seule extension).
Conformément à l’article 1er de l’AR, les normes de base ne s’appliquent donc pas aux bâtiments existants, aux rénovations de bâtiments existants pas plus qu’aux maisons unifamiliales.
On entend par « bâtiments existants »: (i) les bâtiments moyens et élevés pour lesquels la demande de permis de bâtir a été introduite avant le 26 mai 1995 et (ii) les bâtiments bas pour lesquels la demande de permis de bâtir a été introduite avant le 1er janvier 1998.
Outre ces divers articles, l’Arrêté Royal du 7 juillet 1994 (et ses modifications) comporte actuellement sept annexes :
- annexe 1 : terminologie
- annexe 2 : bâtiments bas (hauteur < 10 m)
- annexe 3 : bâtiments moyens (10 m ≤ hauteur ≤ 25 m)
- annexe 4 : bâtiments élevés (hauteur > 25 m)
- annexe 5 : réaction au feu
- annexe 6 : bâtiments industriels
- annexe 7 : prescriptions communes
Ces annexes détaillent les exigences minimales en matière de prévention contre l’incendie et l’explosion auxquelles les bâtiments nouveaux doivent satisfaire. L’AR établit une distinction entre les bâtiments bas (hauteur < 10 m), les bâtiments moyens (10 m ≤ hauteur ≤ 25 m) et les bâtiments élevés (hauteur > 25 m). En fonction de la catégorie de bâtiments, des exigences plus strictes peuvent être imposées.
Sécurité incendie des façades (en bois)
Prévention incendie active et passive
La sécurité incendie d’un bâtiment se fonde sur deux piliers ; d’une part, la prévention passive contre l’incendie et d’autre part, la prévention active contre l’incendie .
L’objectif de la prévention passive contre l’incendie est de limiter en premier lieu la propagation de l’incendie. Néanmoins, si l’incendie parvient tout de même à se propager, on entre alors dans la phase 2 (flash-over). Au cours de cette deuxième phase, la stratégie de base de la prévention contre l’incendie consiste à empêcher la propagation de l’incendie d’un compartiment à l’autre (en dehors des pièces où il s’est déclaré). L’objectif étant également, lors de cette phase, de maintenir la stabilité du bâtiment pendant une période de temps bien déterminée .
Les mesures utilisées afin de ralentir la propagation du feu lors de la première phase concernent la réaction au feu du revêtement de la façade.
Les mesures appliquées lors de la deuxième phase concernent la résistance au feu des différents éléments du bâtiment.
Lorsqu'un incendie se déclare, il faut pouvoir le détecter et l'éteindre le plus rapidement possible. Les mesures de prévention actives jouent un rôle important à cet égard. Ces mesures concernent les équipements du bâtiment (détecteurs, gicleurs automatiques, extincteurs, etc.) et viennent compléter les mesures de prévention passives. Investir dans la prévention active des incendies accroît la sécurité incendie globale du bâtiment.
SECURITE INCENDIE D’UN REVETEMENT DE FAÇADE
La propagation du feu au travers de la façade se produit selon les mécanismes suivants :
- propagation par la surface de revêtement de la façade ;
- propagation entre deux compartiments ;
- propagation au sein du système de façade.
Afin de limiter le risque de propagation de l’incendie par la façade, les normes de prévention de base établissent les conditions auxquelles les matériaux et éléments de construction doivent satisfaire. Ces dispositions décrivent les moyens et méthodes pour :
- limiter la propagation de l’incendie par la surface de revêtement de façade (réaction au feu du bardage) ;
- limiter la propagation externe de l’incendie d’un compartiment à l’autre (résistance au feu).
L’Arrêté Royal ne fixe que les normes de prévention de base. Il n’établit toutefois pas concrètement les prescriptions afin de limiter et/ou d'empêcher la propagation du feu par la façade. Nous pensons ici à la propagation de l’incendie par un isolant combustible, la propagation par la lame d’air ventilée située derrière le revêtement , etc. Suite à l’incident de Londres, il a été décidé de réviser la réglementation actuellement en vigueur et et de mettre en place des conditions et des mesures afin de ralentir et/ou d'empêcher la propagation au sein du système de façade.
REACTION AU FEU DU REVETEMENT DE FAÇADE
La réaction au feu est le comportement d’un « produit de construction » qui, en raison de sa décomposition, ravive le feu auquel il est exposé dans des conditions spécifiques. Il existe 7 classes principales (A1, A2, B, C, D, E et F – A1 étant la classe la plus stricte). Ces classes sont subdivisées en sous-classes : la classe « s » pour la production de fumée (s1, s2, s3) et la classe « d » pour la formation de gouttelettes et de particules enflammées(d0, d1, d2).
L’annexe 5 de l’AR comprend une classification de la réaction au feu du revêtement de façade par type de bâtiment.
Outre la classification faite en fonction de la hauteur du bâtiment, le Gouvernement flamand impose aux façades une réaction au feu minimale en fonction de l’autonomie des usagers du bâtiment. L’arrêté du Gouvernement flamand fixe les normes de sécurité incendie spécifiques auxquelles les structures pour personnes âgées et les centres de convalescence doivent répondre (AGF 09/12/2011 Sécurité incendie des structures pour personnes âgées - version du 30 septembre 2015). Celui-ci stipule que les revêtements de façade doivent répondre a minima aux exigences imposées par la classe C‐ s3, d1.
En résumé :
Bâtiments bas : | classe de réaction au feu D-s3, d1 |
Bâtiments bas (structures pour personnes âgées) : | classe de réaction au feu C-s3, d1 |
Bâtiments moyens et élevés : | classe de réaction au feu B-s3, d1 |
En ce qui concerne les bâtiments industriels, aucune exigence n’est imposée pour la réaction au feu des façades.
Interprétation de la classe de réaction au feu
L’AR du 7 juillet 1994 a entre-temps été modifié neuf fois et les textes modifiés ont été en sus corrigés par trois fois. L’AR publié le 12 juillet 2012 a introduit des modifications très importantes dont une nouvelle classification de la réaction au feu et ses conditions d’application.
Antérieurement à l’AR du 12 juillet 2012, certaines conditions étaient imposées aux façades en ce qui concerne le matériau fini des revêtements de façade. Toutefois, depuis l’entrée en vigueur de l’AR du 12 juillet 2012, les exigences relatives à la réaction au feu de la façade s’appliquent à la façade dans son ensemble et plus seulement au matériau fini. Cette différence fondamentale est parfois source de confusion dans la conception et la réalisation du revêtement de la façade.
L’interprétation exacte de l’AR n’est jusqu’à présent pas connue des différents professionnels de la construction. Il est important de préciser que les exigences s’appliquent aux produits de construction dans leurs conditions d’application finale (end-use conditions). Afin de déterminer la réaction au feu de la façade, il convient donc de tenir compte de l’ensemble du système de façade, c’est-à-dire les matériaux, les couches sous-jacentes et le mode de fixation.
En théorie, chaque matériau de construction composant le revêtement de façade doit répondre individuellement à l’exigence de réaction au feu. Néanmoins, ce simple fait ne garantit aucunement que la façade ne satisfasse dans son ensemble, à la réaction au feu requise conformément à l’AR « normes de prévention de base ».
CONCEPTION D’UN SYSTEME DE REVETEMENT DE FAÇADE (EN BOIS)
Lors de la conception d’un système de revêtement de façade (en bois), il est important de s’assurer, avant de procéder à l’appel d’offres, que l’ensemble de la façade réponde aux exigences de la législation actuelle en matière de réaction au feu.
Le comportement du revêtement de façade peut être prouvé par les éléments suivants :
- les données pertinentes pour le marquage CE de la façade ;
- les renseignements nécessaires pour l’obtention de l’agrément BENOR et/ou ATG ou toute évaluation équivalente et acceptée dans un autre État membre de l’Union européenne ;
- les produits/systèmes visés par la décision de la Commission ;
- un rapport de classification pour l’utilisation concernée établi par un laboratoire ou un organisme de certification. Le rapport de classification se fonde sur la procédure d’évaluation décrite dans l’AR.
Bien que la réglementation actuelle relative à la réaction au feu de façades soit en vigueur depuis le 1er décembre 2012, le marché ne compte actuellement qu’une poignée de systèmes de façade qui disposent d’un rapport de classification correct ou d’un certificat CE ou ATG correct.
Dans le cas où vous choisiriez de concevoir votre propre revêtement de façade pour lequel aucun certificat n’est disponible, deux options s’offrent à vous : soit vous appliquez des solutions types soit vous faites tester le revêtement de façade dans un laboratoire agréé.
Au niveau européen, un certain nombre de solutions types pour les façades en bois ont été testées, en ce compris pour les couches sous-jacentes. Les résultats de ces tests et la description de la construction des façades en bois se retrouvent dans la décision de la Commission du 6 mars 2006 « établissant la classification des caractéristiques de réaction au feu de certains produits de construction pour ce qui concerne les sols en bois et les lambris et revêtements muraux extérieurs en bois massif » (2006/213/CE). Les tableaux de la présente annexe énumèrent les produits et/ou matériaux de construction qui satisfont à l’ensemble des prescriptions relatives à la caractéristique «réaction au feu» sans devoir subir d’essais. Lors de l’utilisation de ces tableaux, il est primordial de prendre en considération les notes de bas de pages . Tous les matériaux constituant la façade et décrits dans les décisions sont conformes à une réaction au feu D-s2, d0 ou pour les bâtiments bas.
En Belgique, un programme de recherche a également été mené en collaboration, entre autres, avec le CSTC et Wood.be, afin de formuler- outre les solutions types prévues dans la décision de la Commission européenne - d’autres solutions pour les façades des bâtiments bas. Ces solutions vous sont présentées dans les images ci-dessous.
Dans le cas où votre propre projet de revêtement de façade ne disposerait pas d’un certificat CE, ne respecterait pas les exigences figurant dans le tableau de la décision de la Commission et/ou ne serait pas conforme aux solutions proposées dans les images 4 et 5, vous n’aurez d’autre choix que de faire tester la construction spécifique par un laboratoire agréé. Néanmoins, ces tests s’avèrent être très compliqués à réaliser, prennent beaucoup de temps et coûtent très chers.
Nouvelle réglementation
La révision des normes incendies actuelles s’est accélérée suite au drame de la « Grenfell Tower ». Au moment de l’incident, un groupe de travail « Façades » créé à l’initiative du Conseil supérieur de la sécurité contre l’incendie et l’explosion avait déjà formulé diverses propositions de modification de la réglementation actuelle. Le document a été approuvé au cours de l’année 2019. La publication au Moniteur Belge de ces nouvelles prescriptions en matière d’incendie relatives aux façades est prévue pour l’automne 2021. Son entrée en vigueur est quant à elle prévue pour mi-2022.
Conclusion
À la suite de l’incendie de la « Grenfell Tower » à Londres, les prescriptions incendie actuellement en vigueur ont été réexaminées dans toute l’Europe. En Belgique, le texte de référence en matière de prescriptions incendie est l’Arrêté Royal du 7 juillet 1994 (et ses modifications) fixant les exigences minimales en matière de prévention contre l’incendie et l’explosion, aussi appelé l’AR « normes de prévention de base ». Cet AR s’applique à tous les nouveaux bâtiments à construire, en ce compris les nouvelles extensions mais pas aux bâtiments existants, aux rénovations de bâtiments existants ou aux maisons unifamiliales.
L’AR du 12 juillet 2012 a modifié l’AR du 7 juillet 1994 « normes de prévention de base » à plusieurs égards et plus précisément en introduisant une nouvelle classification de la réaction au feu des façades. Cette nouvelle classification et son champ d’application ont eu un impact important sur la conception de façades (en bois).
Contrairement à l’AR en vigueur jusqu’au 1er décembre 2012, les nouvelles exigences en matière de réaction au feu de la façade s’appliquent à la façade dans son ensemble , c‘est-à-dire aux matériaux de façade utilisé, aux couches sous-jacentes et au mode de fixation. Le rapport de classification de la réaction au feu d’une façade doit donc concerner les conditions finales d’utilisation ou « end-use conditions ».
Afin de concevoir un revêtement de façade (en bois) conformément à la législation en vigueur, il faut soit disposer d’un certificat CE ou un équivalent, soit respecter les directives décrites dans la décision de la Commission (2006/231/CE), soit utiliser les solutions types du programme de recherche du CSTC et de Wood.be. Si la façade conçue ne respecte pas ce qui précède, la seule façon d’obtenir un rapport de classification est de réaliser une batterie de tests complets auprès d’un laboratoire agréé pour démontrer la réaction au feu requise.
À court terme, de nouvelles prescriptions incendie - plus strictes - seront d’application pour les revêtements de façades (en bois). La publication au Moniteur Belge de celles-ci est prévue pour l’automne 2021, pour une entrée en vigueur mi-2022.
Auteur: ir. Stéphane Pieters - Condek bv